la france insoumise cherbourg

Intervention prononcée le 5 octobre à l’occasion du repas fraternel des groupes d’action de la France Insoumise de Cherbourg en Cotentin

Bonjour à tous, avant d’évoquer brièvement la situation politique du moment, nous tenons d’abord à remercier tous ceux qui ont pu participer à notre chaleureux moment d’échange et de partage et ceux qui se sont excusés retenus par d’autres obligations.

Le nombre de participants montre que localement les rangs de La France Insoumise, se sont étoffés et que de nombreux citoyens en s’impliquant dans les actions concrètes de notre mouvement en faisant grossir ses rangs, ont pris conscience de la gravité de la situation. Mais aussi de la nécessité de s’engager pour apporter leur pierre dans la construction d’un rapport de forces politique qui nous permette enfin d’accéder au pouvoir pour changer l’ordre établi, améliorer la vie de millions de concitoyens.

Nous devons mesurer l’importance que représente l’implication de la jeunesse au sein du mouvement insoumis et saluer la création d’un Groupe d’action Jeunes Insoumis à Cherbourg, que nous encourageons et soutenons de toutes nos forces. Sur la situation politique, voici la France dotée d’un nouveau gouvernement qui ne reflète en rien le résultat issu des urnes lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, avec un premier ministre issu du groupe politique qui a obtenu le moins de députés.

Le capitalisme et son fer de lance, la mouvance néo-libérale en tant que vecteur idéologique, toujours à la pointe de l’innovation sémantique et jamais en reste pour s’adapter aux contradictions de son évolution, avaient tôt fait au XXe siècle de s’emparer du concept scientifique pour la résolution des conflits, « gagnant-gagnant » (Win-Win), inventé par le psychologue Thomas Gordon et par son collègue et ami, Jim Craig, qui lui en a suggéré l’appellation. Et les relais idéologiques du capitalisme se sont rapidement employés à force d’assertions à satiété de dévoyer la véritable teneur du concept.

Or en système capitaliste, système d’exploitation par excellence, le seul gagnant est le détenteur du capital qui exploite la force de travail. Dans les échanges internationaux seul celui qui est en mesure d’imposer sa prédominance dans le rapport de forces sort gagnant de l’échange. Voici qu’en politique, s’inscrivant dans la même veine d’innovation sémantique, E. Macron vient prolonger le dévoiement en inventant le nouveau concept « Gagnant-Perdant » (Win-Lose) qui migre de l’économie vers la politique en enfreignant les dispositions de la Constitution de la Ve République.

Ici, « Gagnant-Perdant » relègue aux oubliettes de l’histoire électorale la coalition politique qui a obtenu le plus grand nombre de députés, (en réduisant éventuellement certains à l’état de supplétifs par hypothèse ou une infime partie de certaines de ses composantes serait tentée par la ventrologie et la trahison), pendant que la formation qui en a obtenu le moins et perdu l’élection est investie du pouvoir de gouverner. Au-delà de la trahison du résultat de l’élection, cet acte hautement irresponsable politiquement, met en exergue les carences de la Constitution de la V° République et des possibles dévoiements qu’elle permet en regard de la réalité électorale. Nous, Insoumis, y voyons une justification supplémentaire pour étayer le bien-fondé de notre proposition de VIe République’.

De fait le gouvernement Barnier, renvoie à un imaginaire surréaliste que l’on aurait pu croire depuis longtemps révolu. Celui par exemple, de Magritte qui écrivait « Ceci n’est pas une pipe » en 1929 sur l’un de ses tableaux d’une série intitulée « La trahison des images ». Eh bien, Magritte avait raison, si son tableau représente une pipe ce que nous regardons n’est pas une pipe mais bien un tableau.

Il en va de même pour le gouvernement Barnier. Alors que nous croyons voir l’image d’un gouvernement, nous voyons en fait celle d’un conseil d’administration. Un conseil d’administration au service exclusif d’une oligarchie qui n’entend rien céder de ses privilèges et de sa domination. Qui impose aux français une politique austéritaire et antisociale de très haute intensité, fait pression sur les salaires à la baisse, amoindrit toujours plus les revenus et le pouvoir d’achat des français, rembourse toujours moins les prestations de santé, déconstruit l’ensemble des services publics : santé, enseignement, recherche, etc. etc.

La première mesure annoncée qui consiste à décaler de six mois l'indexation des retraites sur l'inflation en dit long sur « l’esprit » qui prévaut dans l’élaboration du budget 2025. Ce sont les plus modestes déjà très durement touchés qui font les frais de cette politique.

Pendant que la pauvreté ne cesse de progresser dans notre pays ce même gouvernement vs conseil d’administration, d’une part continuera à faire des cadeaux fiscaux toujours plus importants à la frange la plus infime de la société, d’autre part continuera d’abreuver de centaines de milliards d’euros les très grandes entreprises, les cabinets de Conseil (Mc Kinsey), les groupes d’assurance, les organismes de retraite complémentaire (BlackRock) etc. etc.

Épiloguer sur les personnalités qui le composent, est le leurre politique qu’il convient d’éviter. L’essentiel est que tous les actes de ce gouvernement, à travers l’élaboration en cours du budget de la nation, vont accentuer les mesures antisociales, aggraver les inégalités, amplifier l’injustice fiscale et encore amoindrir la répartition de la richesse.

Chacun aura compris qu’au prix de la trahison constitutionnelle, ce qu’empêche Macron, c’est la possibilité pour les formations politiques du NFP arrivées en tête d’appliquer un programme politique qui, s’il n’est pas révolutionnaire et loin de bouleverser de fond en comble l’ordre établi, constitue toutefois une brèche conséquente dans les politiques de plus en plus antisociales et austéritaires menées en France depuis plus de vingt ans.

Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la formation la plus déterminée du NFP à savoir LFI, subisse depuis un an, un pilonnage mediatico-politique d’une intensité telle qu’il faut remonter loin dans l’histoire pour en retrouver l’équivalent. Rien n’est épargné à LFI, à ses militants de base autant qu’à des dirigeants et ses élus, jusqu’à l’infâmie suprême de l’accusation d’antisémitisme et d’exclusion d’un supposé « arc républicain » dont nos accusateurs sont incapables d’en définir les contours.

L’introduction d’un intéressant article du Monde Diplomatique d’octobre intitulé « L’art de la diffamation politique » résume bien les enjeux du moment : « Critiquer les positions de la France Insoumise, ses choix stratégiques, ses maladresses ou ses emportements à sa place dans le débat démocratique. Propager l’imputation infâmante et mensongère que ce parti et son fondateur seraient « antisémites » relève en revanche d’une volonté de destruction. Ses effets politiques se font déjà sentir »

Pour permettre la formation d’un gouvernement du NFP, LFI est pourtant allée très loin dans la résilience, en acceptant une première ministre et un président de l’Assemblée Nationale non issu de ses rangs, et jusqu’à la non-participation de ministres pour que tout le programme du NFP puisse être appliqué. Pouvions-nous faire preuve de plus de bonne volonté. Était-ce d’ailleurs la meilleure stratégie ?

Ainsi, nous assistons au renforcement de l’extrême-droitisation du champ politique qui devient désormais de plus en plus large puisque Macron se serait même enquis auprès de Marine Le Pen de sa volonté de ne pas empêcher l’existence le gouvernement Barnier.

On peut mesurer ainsi la déception et la tristesse de millions de concitoyens à la dimension de l’espoir de changement qu’a suscité le projet politique porté par les candidats du Nouveau Front Populaire, et porté aujourd’hui par les députés NFP élus sur la base de ce programme, dont on peut résumer ainsi les mesures phares entre autres :

Pouvoir d'achat :

• Blocage des prix : biens de première nécessité, alimentation, énergie, carburants, plafonner les frais bancaires, abolir les coupures d'électricité, de chaleur et de gaz, gratuité des premiers kilowattheures, annuler les réformes Macron du RSA

• Augmentation des salaires : SMIC à 1 600 € net, hausse de 10 % du point d’indice (intégralement compensée pour les collectivités territoriales).

• Droit à la retraite à 60 ans et abrogation immédiate par décret d'application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 ans.

Économie et souveraineté :

• Création d’un pôle public du médicament, nationalisation de Sanofi.

• Métiers pénibles ou de nuit : passage à 32 heures, 6ème semaine de congés payés.

• Aides aux entreprises conditionnées au respect de critères environnementaux, sociaux et de lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise.

• Rendre plus progressif l’impôt sur l’héritage, renforcer en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum.

International :

• Reconnaissance immédiate de l’État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël sur la base des résolutions de l’ONU. Tout en infligeant des sanctions contre le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou tant que celui-ci ne respecte pas le droit international à Gaza et en Cisjordanie.

• Adopter une diplomatie féministe en augmentant les financements internationaux pour les droits des femmes et en poussant l’adoption de la clause de la législation la plus favorisée en Europe. Mais aussi écologiste, démilitarisé et au service de la santé.

• Taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l'Union européenne en imposant une taxe sur les superprofits.

Immigration :

• Mettre en place une agence de sauvetage en mer et sur terre, dans l’attente de sa création au niveau européen et en appui de l’agence de l’Union européenne pour l’asile.

• Faciliter l’accès aux visas, régulariser les travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés, instituer la carte de séjour de 10 ans comme titre de séjour de référence

• Accompagnement social et autorisation de travailler pour les demandeurs d’asile en leur garantissant l'accès à l’aide médicale d’Etat.

• Révision pacte asile immigration pour un accueil digne des migrants.

Dans ces conditions, il nous incombe d’utiliser le combat politique que vont mener les députés de la France Insoumise à l’Assemblée Nationale, comme point d’appui de nos actions de terrain pour convaincre de la validité de nos propositions, de démontrer la collusion du parti de Macron, de la droite LR et de l’extrême-droite RN dans le choix d’une politique austéritaire de grande ampleur, le RN ayant déjà annoncé qu’il était réticent à déposer une motion de censure.

La période qui s’ouvre sera celle de la clarification. Il est à prévoir que la prophétie émise par Jean-Luc Mélenchon en 2014 « De toutes façons ce combat se finira entre eux (l’extrême-droite) et nous » devienne une réalité. Il nous appartient désormais de hisser le niveau de notre combat à la hauteur de cet enjeu.

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